Le CPE, la bêtise et le gouvernement

Publié le par FaTraPa

Je n'aime guère Villepin. Guindé, arrogant, rimailleur, il représente une image de la France qui m'écoeure. Seulement voilà, il arrive que même les aristocrates (je suis certain qu'il se prend pour un mélange de Tocqueville et de Victor Hugo) détestables sont capables d'agir justement. Avoir créé le CPE fait partie de ces bonnes actions.

Pour comprendre, il faut en revenir à certains statistiques. Plus de 20% des 18-25 ans sont au chômage (et ce chiffre ne compte pas les étudiants qui prolongent leurs études pour éviter cette situation). Ce chiffre passe à 40% quand on considère les jeunes des Cités. D'autre part, si un Français perd son emploi, il met, en moyenne, 18 mois à en retrouver un (contre 3 dans les pays anglo-saxons).

Après la rupture de 1973, tous les gouvernements n'ont choisi qu'un seul type de solution : sécuriser les emplois. Résultat : médiocre. Les insiders (employés) se sentent en sécurité mais regardent avec crainte les outsiders (sans emplois). De leur côté, les outsiders éprouvent de grandes difficultés à rentrer (pour la première fois ou de nouveau) se mettre au chaud. La fracture sociale n'est pas entre les riches et les pauvres dans ce pays (ce qui laisse un rôle à l'Etat, si on croit aux capacités de cette institution, pour redistribuer une partie des richesses) mais entre les salariés et les chômeurs (ce qui rend l'Etat impuissant car peut-il faire si ce n'est multiplié comme des petits pains les fonctionnaires?). On n'a jamais cessé de stigmatiser le mauvais problème dans ce beau pays. Perdre son emploi n'est pas dramatique, ne pas en retrouver un est terrible.

Pourquoi le CPE est-il une bonne chose alors? Lorsqu'un jeune postule à un poste, il y a ce que les économistes appellent assymétrie d'information. Le postulant connaît sa valeur mais l'employeur n'en sait rien. Ce dernier se retrouve dans une position délicate. Il a besoin de "sang neuf" (expression qui plaira aux gauchistes) mais il doit limiter ces risques. Imaginons que séduit par le candidat lors de l'entretien d'embauche, le patron offre un CDI. Six mois plus tard, il s'avére que le jeune n'est pas dans le coup. L'entreprise se retrouve avec un poids dont il ne peut se délester sans un coût élevé. Face à ce risque, le patron préfère les CDD ou les stages. Cette petite contine concerne bien plus les étudiants de fac, les BTS, les IUTistes, les simples bacheliers que les élèves des Grandes Ecoles puisque ces derniers fournissent un signal aux entreprises montrant leurs capacités (dans la logique française).

Les étudiants veulent un emploi sûr mais cette demande entraîne une raréfication de l'emploi. Je crois que si certaines personnes sont incapables de suivre à l'école, ils peuvent être faits pour réussir dans le monde professionnel. Il faut leur laisser la possibilité d'y entrer. Pour cela, il faut abaisser les risques pris par les employeurs. Le CPE est un premier pas. Il doit être généralisé pour qu'on cesse de dire : "Mon Dieu, voilà un an que je suis au chômage".

Mais bon, la fronde anti-CPE augmente et le gouvernement va faire sa spécialité culinaire : la reculade. Avec un peu de volonté et courage politique, de grandes réformes peuvent être faites mais quand on laisse l'occupation des universités se prolonger (ce qui est interdit par la loi), on montre ce qui se cache derrière la façade de la détermination.

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