Ridicule (3)

Publié le par FaTraPa

La semaine dernière, Jacques Chirac annonçait la création de l'Agence Industrielle pour l'Innovation (ou un nom dans le genre mais en tout cas l'idée y est). On s'est bien sûr réjoui dans notre belle contrée de cet élan donné à la recherche. Pourtant cette nouvelle branche de l'Etat est ridicule aussi bien d'un point de vue économique que d'un point de vue politique.

Economiquement de telles agences ne servent au mieux à rien, au pire à entraver les véritables progrès de la science appliquée. Pourquoi ? Le but de cette nouvelle institution est de sélectionner des projets pour leur offrir des aides publiques. Premier problème, les projets sélectionnés ne seront certainement pas les meilleurs. L'Etat n'a pas envie de voir son nom associé à une innovation banale (il doit aussi faire rêver les contribuables pour justifier ses dépenses dans ce domaine), il veut du clinquant (du tgv, du concorde, etc.), il y aura donc toujours une tendance à s'orienter vers les plus impressionants (et souvent à fonds perdus) mais pas les plus utiles. On pourra rétorquer que les banques pourront, elles, s'occuper des "petites" innovations. Seulement les banques préféreront largement s'allier à l'Etat dans le financement de projets car elles savent très bien qu'un échec ne saura pas tolérer et qu'elles récupéreront leur mise avec les intérêts et plus (pas de gain financier dans la plupart des cas car les projets financés par l'Etat sont souvent déficitaires mais un gain politique certain). Autrement dit, une partie des fonds destinés à des créations modestes seront détournés vers les folies de l'Etat. Cette agence est peut-être une bonne chose pour l'image de la France et certainement une mauvaise pour l'économie française.

Politiquement le mal est encore plus grand. Tocqueville, dans le tome 2 de De la démocratie en Amérique, avait prophétisé qu'avec l'égalité des conditions, il n'y aurait plus de groupe intermédiaire (comme l'aristocratie) pour faire face à l'Etat. Les citoyens seraient individuellement faibles et se tourneraient vers l'Etat qui leur semblera le seul à même de conduire de grandes entreprises. L'Etat profitera de cette situation pour contrôler toutes les associations (i.e. entreprises, comités, partis, etc.). Aujourd'hui, et depuis des années, la réalité a rattrapé les pensées de Tocqueville. Cette agence est le n-ième avatar des empiétements de l'Etat dans le domaine privé. Nous laissons à l'Etat le soin de nous conduire. Il est là à nous tenir toujours et partout la main. Si cette sensation est rassurante, elle est également perverse. Si notre main est enfermé dans la poigne étatique, nous sommes limités dans nos mouvements par la longueur de notre bras (l'éducation, l'intelligence, la richesse,...). Notre espace de vie ne dépend pas de nos limites mais de celle de l'Etat. Ce dernier nous cajole comme ses petits. Mais les enfants finissent par se lasser de donner la main car ils sentent bien qu'ils ont tout à gagner à agir de leur propre chef, à choisir leur chemin. Les individus ne sont pas faits pour être infantilisés, pourquoi échapper à ses parents pour se faire adopter par un grand frère ? Les hommes bénéficieraient d'avoir les mains libres. Ce despotisme soft est ancré dans nos mentalités. Il repose sur une manipulation des volontés (quel homme politique prendra le courage de dénoncer l'aide mal intentionnée de l'Etat sachant qu'il perdrait du pouvoir en apliquant son programme s'il parvenait à la tête du pays ?) et sur un postulat erroné. La plus grande des erreurs jamais comises par les citoyens est de croire que l'Etat est neutre. L'Etat sert toujours les intérêts d'un groupe ou d'une partie. L'Etat n'est pas fait d'anges mais est constitué d'hommes, l'affaire Clearstream le montre bien.

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